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Livret A : pourquoi le gouvernement a renoncé à relever le taux à 4%

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C’est un dilemme auquel était confronté le gouvernement. En ces temps d’inflation, faut-il protéger l’épargne des ménages en relevant une nouvelle fois fortement le taux du livret A, détenu par 55 millions de Français ? Ou vaut-il mieux opter pour un mouvement plus modéré, pour protéger le logement social et de grands équilibres économiques ? Sachant que ce taux est déjà passé de 0,5?% en janvier 2022 à 3?% en février dernier. Finalement, l?exécutif a tranché, en annonçant, ce jeudi, le maintien du taux à 3%, pendant dix-huit mois, suivant en cela la recommandation de la Banque de France.

Le taux aurait pourtant pu augmenter. La rémunération du livret A (révisé deux fois par an, en février et août) est définie par une formule mêlant les chiffres de l’inflation et les taux interbancaires à court terme?. «?Si l’inflation se maintient à 4,5?% en juin et si la formule est appliquée, le taux du livret A atteindra 4?% ou 4,1?% le 1er août », calculait Philippe Crevel, le directeur du Cercle de l’épargne. Mais le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, peut proposer de déroger à cette règle. C’est ce qui s’est passé en janvier dernier lorsqu’il a suggéré de limiter la hausse du rendement à 3?% au lieu de 3,3?% au 1er février. Ce jeudi, la Banque de France proposait une solution alternative à la hausse, en maintenant le taux à 3%, tout en «donnant aux épargnants une garantie de maintien de ce taux sur 18 mois, soit jusqu’en janvier 2025».

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In fine, c’est le ministre de l’Économie qui a le dernier mot. Bruno Le Maire a annoncé samedi dernier lors des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence qu’il suivrait la recommandation de taux que lui fera le gouverneur ce jeudi. Les deux protagonistes s?étaient d’ailleurs rencontrés dimanche dernier à Aix. Les récentes déclarations semblaient exclure un relèvement du rendement du placement préféré des Français à 4?%. «?Il est sage d’être un peu prudent sur le taux du livret A, prévenait mardi matin sur Franceinfo, François Villeroy de Galhau. Il faut préserver, d’un côté, l’intérêt des épargnants, bien sûr, et, de l’autre, un secteur ultrasensible pour les Français, qui est le secteur du logement, parce que le livret A sert à financer en particulier le logement social et, plus largement, le crédit immobilier».

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Système financier sous pression

Plus que jamais les enjeux liés à la rémunération de ce placement bicentenaire sont capitaux. «?Un taux trop élevé met tout le système financier sous pression. Les circuits de l’épargne notamment sont troublés », prévenait un banquier. De fait, la rémunération du livret A sert d’indice de référence aux autres placements, les épargnants attendant des performances comparables. À chaque augmentation, les Français remplissent massivement ce bas de laine sans risque, liquide et non fiscalisé. Alors que le taux a été relevé à 3?% le 1er février, les épargnants ont déposé 24,5 milliards d’euros sur leur livret A entre janvier et mai. Ce qui ne s’était plus vu depuis 2009. Voire 32 milliards d’euros, en tenant compte des LDDS (livret développement durable et solidaire).

Dans ce contexte, l’assurance-vie et plus particulièrement les fonds en euros qui ont rapporté 2?% (avant prélèvements sociaux) en moyenne en 2022, font très pâle figure. Depuis 2021, les épargnants puisent dans les fonds en euros. La tendance s’est accélérée au premier trimestre, avec une hausse de 5,7?% des retraits de l’assurance-vie, selon la Banque de France. En mai, l’hémorragie s’est aggravée : les Français ont retiré 3,3 milliards des fonds en euros (dépôts moins les retraits), les fonds en unités de compte ayant collecté l’épargne (actions, etc.).

Les assureurs sont très vigilants. «?À ce stade, ils ont suffisamment de liquidités issues de leurs placements pour faire face à cette décollecte, estime Manuel Arrivé, analyste chez Fitch. Si la hausse des retraits se maintient entre 6?% et 10?%, cela restera gérable par les assureurs. » Un avis partagé. Mais si jamais, d’un seul coup, les épargnants en quête de rendement plus conforme à celui du livret A retiraient massivement leur épargne, la situation pourrait devenir compliquée pour certains assureurs. «?Certains seraient contraints de vendre à perte les obligations qu’ils ont en portefeuille, explique Guillaume Leroy, actuaire associé chez Prim’act. Toutefois, les régulateurs ont prévu ces dernières années des mécanismes permettant de bloquer les sorties en cas de problème grave. »

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Plus généralement, tous les placements souffrent de la concurrence d’un livret A très bien rémunéré. «?Pour attirer les épargnants, il faut alors être très fin, ou proposer des produits plus long terme. Mais ce n’est pas facile de répondre à ces attentes sans prendre trop de risque non plus », indique Jérôme Rusak, fondateur du cabinet en gestion de patrimoine L&A finances. Autre écueil que le gouvernement ne pouvait manquer d’avoir en tête, «?la rémunération du livret A peut avoir des effets de bord négatifs sur la consommation », souligne un expert. Alors que la consommation ralentit du fait de l’inflation, un livret A à 4?% aurait pu encourager les Français à économiser davantage. Ce qui serait contre-productif pour l’économie française.

Le secteur HLM pénalisé

L’envolée de la rémunération du livret A aurait surtout fait mal au secteur HLM. Les bailleurs sociaux se financent à 80?% auprès de la Caisse des dépôts (CDC). Or, ces prêts souscrits à taux variable et pour une durée moyenne de 40 ans, sont indexés sur le taux du placement préféré des Français. Plus le taux est élevé, plus leur dette ? 140 milliards d’encours ? leur coûte cher. Ce coût a déjà été multiplié par 6 avec la remontée du taux du livret A de 0,5?% en 2022 à 3?% aujourd’hui. Et l’effet est immédiat. «?C’est simple, 1 point de pourcentage en plus sur le livret A, ce serait 1,4 milliard d’euros à payer le 1er août par le secteur HLM », alertait Emmanuelle Cosse, la présidente de l’Union sociale pour l’habitat. De quoi fragiliser un peu plus le logement social, à un moment où la production de logements ? public comme privé – souffre. Les ventes en bloc aux investisseurs institutionnels, notamment aux bailleurs HLM, ont encore reculé de 8?% au premier trimestre, après s’être déjà effondrées l’an passé.

«?On plaide pour la stabilité du taux du livret A », affirmait donc sans surprise, samedi à Aix, Éric Lombard, le directeur général de la CDC. Depuis plusieurs mois déjà, les négociations sont permanentes entre les bailleurs sociaux et la CDC pour atténuer le poids de leur dette. «?Des prêts sont rééchelonnés, les maturités réévaluées pour améliorer la situation immédiate des bailleurs », raconte Alexandre Holroyd, le président de la commission de surveillance de la CDC.

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Enfin, la hausse du livret A commence à coûter cher aux banques qui gèrent environ 40?% de l’encours. Car elles doivent rémunérer plus cher les détenteurs de ce livret. «?Une hausse de 1?% représenterait 4 milliards d’euros de surcoûts pour les établissements financiers, sur la base de l’encours de fin mai (399,9 milliards d’euros)?, calculait Philippe Crevel. En prenant en compte le LDDS, le coût de la majoration d’un point est de 5,4 milliards d’euros.

Dernier point, le gouvernement sait qu’il est difficile politiquement d’abaisser le taux du livret A. Ce qui plaidait pour une modération dans la phase de hausse. D’autant que l’inflation est en train de ralentir (elle s’élevait à 6?% en début d’année). La plupart des experts voyaient donc le taux passer à 3,5?% le 1er août, au lieu des 4 % de la formule. Mais l?exécutif a finalement décidé de le maintenir à 3 %. Tout en donnant de la visibilité aux épargnants – via le maintien à ce niveau pendant dix-huit mois – ainsi qu?un coup de pouce aux ménages les plus modestes, en relevant le plafond du Livret d?épargne populaire, de 7700 à 10.000 euros.

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